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  Victoire

Maracazre

Victoire Maracazre (1916-1948)
 

« A ces chefs-d’œuvre inconnus qui me demeureront étrangers » - "La jouissance de ton regard", v. 58, Victoire Maracazre. 

 

Ces mots, Victoire Maracazre les griffonne, maladroitement, de l’écriture enfantine propre à quelqu’un qui a appris à écrire sur le tard, seule, à la lumière d’une bougie vacillante. Née trop tôt pour espérer une postérité, et trop tard à ses yeux, Victoire ne s’est jamais sentie à sa place : pas même dans la littérature, dans laquelle elle revendique son tâtonnement à demi-aveugle. 
    Victoire a grandi entourée de sept frères et sœurs, dans la campagne bretonne profonde, à une époque où la condition paysanne était encore, aux yeux des citadins et des bourgeois – et probablement à raison, moyenâgeuse. Grandissant sans eau courante et sans électricité, son monde est comme l’univers immémorial qui compose son entourage : figé, bucolique pour certains, désespérant pour d’autres. Victoire s’est apparemment revendiquée des deux. 
    Elle rencontre Rosalie De Rohan lors d’un des voyages de cette dernière en Bretagne avec son père. C’est dans le contexte de l’exaltation des côtes bretonnes évoquées par la tradition de l’Ingénu de Voltaire que la famille De Rohan, exilée dans la région parisienne, découvre la côte léonarde. Selon Maggie de Rohan, arrière-petite-fille de Rose, cette tradition s’est perpétuée. On ignore cependant comment elles auraient pu se rencontrer. Les écrits de Maracazre faisant référence à un « premier feu » semblent évoquer une foule. S’agissait-il d’un marché ? S’agissait-il d’un bal campagnard, dans lequel on imagine Rose, costumée à la manière locale ? 
    De son histoire d’amour éclaire, nous ignorons pratiquement tout. Il ne nous reste plus que le miroir déformant des représentations de l’amante dans ses textes, une image ambivalente, entre Vierge et putain. Rosalie lui apprend à lire et à écrire, et Victoire s’approprie très rapidement ces nouvelles connaissances, qu’elle assimile à son amour. La naissance de son art est dépendante de la naissance de ses sentiments. Il nous plaît à lire la rapidité de son apprentissage dans la force de la liaison entre les deux femmes. Rosalie se fait préceptrice et muse, avant de « disparaître » pour se marier. Victoire ressent cette rupture forcée comme une trahison, bien que tout nous porte à croire que Rosalie en était également blessée. Cette trahison devient le moteur de sa création – elle ne pensera plus l’art que comme un réceptacle à sa haine. La haine de soi, la haine des autres, la haine de la nature. Ce cœur, qui se revendiquait fait pour aimer, ne se complaira plus que dans la violence la plus sourde.
    L’écriture de Victoire Maracazre, c’est l’histoire d’une tragédie grecque. Le pressentiment constant d’un malheur à venir, une exaltation lyrique qui tente en vain d’y résister. A travers le rétablissement et à la réhabilitation de ses textes, nous souhaitons lutter contre la fatalité oublieuse. La littérature reste, et lutte contre le temps et la mort. Nous pensons à tous ces « chefs-d’œuvre » qui resteront inconnus – toutes ces existences qui resteront muettes. Et nous tenterons de faire parler celle de Victoire plus fort que l’oubli.    

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Pourquoi devrais-je signer la pétition ?
 

Nous ne souhaitons pas forcer la main du public. Nous souhaitons seulement l’informer,
et à travers cette démarche, faire vivre la mémoire de Victoire Maracazre. Son histoire n’est pas
seulement l’histoire d’une poétesse oubliée, dont les textes méritent d’atteindre une postérité
tardive. L’histoire de cette femme, c’est aussi l’histoire de tant d’autres. Victoire parle pour
celles qui ne le pourront jamais : ces femmes qui se sentent piégées dans leurs propres vies,
dans des familles, des sociétés dans lesquelles elles ne se retrouvent pas. Signer cette pétition,
c’est sauver de l’oubli ces existences si lointaines que nous oublions déjà. Une signature rejoint
également la manière dont Victoire concevait sa littérature : l’idée de révolte. Nous nous
révoltons contre les pensées rétrogrades qui détiennent en otage des œuvres littéraires qui
pourraient enrichir notre paysage culturel. Nous vous invitons, si vous le souhaitez, à vous
révolter main dans la main avec nous. Sauvons de l’oubli ses œuvres, ne serait-ce que pour
tous ces « chefs-d’œuvre inconnus qui [nous] resteron[s] inconnus ».​

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