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  • Photo du rédacteurAnna Russaouen

Passage dans l'Emission "Bulle de littérature: l'actualité critique et littéraire"avec Paul Mclovin

Dernière mise à jour : 22 avr. 2019

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Le 10 mars dernier, l'émission "Bulle de littérature: l'actualité critique et littéraire" de la radio Culture France a consacré un épisode inédit à la figure de Victoire Maracazre. Invitée pour présenter l'autrice et le projet de la restitution de ses œuvres, j'ai également pu discuter avec le journaliste et critique Paul McLovin de la qualité littéraire de ses textes, pour la plupart encore à découvrir.
https://soundcloud.com/annarussaouen/passage-chez-culture-france-emission-sur-victoire-maracazre
Transcription du passage:
Paul McLovin: Bienvenue dans notre émission « Bulle de littérature : l’actualité littéraire et critique ». Aujourd’hui, nous nous intéressons à l’histoire rocambolesque et romanesque d’une chercheuse, Anna Russaouen, et de sa découverte d’une autrice. Retenez son nom, car c’est important : Victoire Maracazre. Anna bonjour, et merci d’être venue.
Anna Russaouen: Bonjour Paul et merci de me recevoir. Je tenais avant tout à préciser que ce n’est pas tant mon histoire qui est rocambolesque et romanesque, mais plutôt celle de Victoire.
P.McL: C’est votre humilité qui parle ?
AR: Non, mais je pense qu’il est important que dans toute grande découverte, le crédit soit moins accordé à celui qui trouve qu’à celui -ou celle, dans notre cas- qui est trouvé.
P.McL: Et vous avez raison, au temps pour moi. Alors, Anna, parlez-moi un peu, ainsi qu’à nos auditeurs, de ce que vous appelez sur votre site internet « L’histoire d’une découverte ».
AR: Et quelle découverte. Tout a commencé l’année dernière, alors que je rendais visite à ma mère dans le Finistère, dans une maison qu’elle occupe sur de la côte du Léon. Je vais vous épargner les détails mais alors que je jardinais dans son jardin, je suis tombée sur quelque chose.
P.McL: Toute bonne histoire mystérieuse commence ainsi.
AR: Exactement. Et à ma plus grande surprise, en creusant un peu le terrain, j’ai découvert ce qui était une pierre tombale, sur laquelle on ne lisait que deux dates et surtout un nom : celui de Victoire Maracazre.
P.McL: Qui est un nom peu commun.
AR: Qui est un nom étrange, breton, dont une erreur d’orthographe est peut-être à l’origine de ce « z » étrange et dur à prononcer.
P.McL: Que s’est-il passé une fois que vous avez déterré cette pierre tombale ? Vous n’étiez pas au bout de vos découvertes, je crois ?
AR: Effectivement. En creusant un peu plus, j’ai d’abord trouvé une assez grande boîte en fer, qui contenait de nombreuses photos et textes, la plupart rongé par les insectes et le temps, mais certains très bien conservés, presque miraculeusement, tel qu’une lettre cachée à l’intérieur d’une Bible, un poème érotique écrit sur sa couverture, et trois autres poèmes sur le dos de photos – ce qui a permis une assez bonne conservation. Et j’ai aussi trouvé plusieurs ossements, très petits, qui seraient possiblement ceux de deux très jeunes enfants, des nouveau-nés.
P.McL: En lisant votre découverte, c’est l’élément qui m’a le plus surpris, sinon choqué. Sait-on qui sont ces deux enfants, et pourquoi ont-ils été enterrés dans un jardin ?
AR: On pense le savoir, et la raison pour laquelle ils se trouvent là est lié à ce pourquoi la sépulture de Victoire se trouvait là.
P.McL: Et quelle est-elle cette raison ?
AR: D’après ce que j’ai compris, et ce que semble indiquer les registres de l’église de la ville, la tombe de Victoire aurait été saccagée à maintes reprises :« Tueuse d’enfants », des choses comme cela, famille a donc été obligée de récupérer le corps, le curé ne voulant pas d’une telle femme enterrée dans le cimetière. La tombe a été déplacée chez un parent, la maison dont ma mère a hérité.
P.McL: Les ossements de ces nouveau-nés témoignent un peu de la tragédie qu’a été la vie de Victoire.
AR: Qui était aussi la tragédie de nombreuses femmes de l’époque. Victoire était très certainement homosexuelle, comme en témoigne sa relation passionnelle avec Rosalie de Rohan, qu’elle rencontre quand elle a quinze ans, et qui lui apprend à lire et à écrire. Pour comprendre ses infanticides, il faut comprendre cette histoire.
P.McL: D’après son nom, Rosalie de Rohan était une noble ?
AR: Exactement. Elle était la descendante d’une très ancienne famille bretonne noble. On ignore à peu près tout de leur rencontre, mais Victoire semble évoquer dans ses poèmes un lieu public. Peut-être un bal, peut-être un marché. On sait que la famille de Rohan, exilée en région parisienne, passait ses étés dans le Léon. On imagine donc quelque chose de très bucolique, un coup de foudre entre une belle jeune fille bien habillée et une petite campagnarde en sabots. Elles se lient d’amitié et vont passer tous leurs étés ensemble à partir de ce moment-là. Rosalie apprend à Victoire l’amour mais aussi la littérature, heureusement pour nous.
P.McL: On ne retrouve pourtant jamais dans l’écriture de Victoire cette exaltation, ce bonheur qu’on pourrait attendre d’une jeune fille qui aime et qui est aimée en retour.
AR: Victoire est parfaitement consciente que cette histoire d’amour n’est pas éternelle. C’est ça qui la pousse à écrire : cette impulsion tragique, cette volonté de lutter avec le destin. Effectivement, son écriture est avant tout celle d’une violence, qu’elle essaie peut-être de décharger.
P.McL: Puisque son écriture est déjà particulièrement violente quand elle écrit et est aimée, que se passe-t-il quand elle est Rosalie doivent se séparer ?
AR: Cinq ans plus tard, quand elles ont toutes les deux vingt ans, Victoire apprend qu’elle est promise à un jeune homme. Les mariages d’alliance entre deux familles était toujours le lot quotidien dans la Bretagne du début du XXe siècle. Ce sera le pire été dans la vie de Victoire.Elle prend cette nouvelle évidemment très mal, tout comme Rosalie. Cette dernière retourne à Paris sans prévenir, et ne reviendra jamais plus en Bretagne. C’est là la fin de leur histoire d’amour. Et c’est là que se trouve la clé du meurtre de ses enfants : elle déteste son mari, elle ne peut que haïr ses enfants. Alors elle décide de leur ôter la vie. Je ne dédouane absolument pas son comportement, mais je pense que cette tragédie est à placer dans la tragédie qu’a été sa vie.
P.McL: Son histoire ne serait-elle pas aussi celle de la condition féminine paysanne à l’époque ?
AR: Pas que paysanne je pense. C’est aussi la raison pour laquelle je m’attache à faire connaître ses textes et à faire vivre sa mémoire : comme un témoignage de toutes les oppressions qu’on pu connaître les femmes, et que certaines connaissent toujours. Victoire fait figure de symbole, ou de porte-parole. Mais je pense par ailleurs qu’il ne faut pas tout politiser, et qu’il faut aussi ne savoir que lire une histoire d’amour entre deux jeunes personnes. Quand elle dit « « Il faut croquer ton cœur pour me faire t’aimer /Chercher dans les chemins qui ruissellent entre nous / Et sous les croix qui pèsent lourd à ta gorge noire / L’union des doigts qui veulent découvrir au plus près / Ce secret qui nous ressemble », elle raconte son amour avant de raconter sa condition.
P.McL: Quelle belle lecture vous faites de ses poèmes. Quel est votre objectif par rapport à ses textes et leur histoire ?
AR: Merci de le demander. Oui, ma volonté de faire connaître Victoire Maracazre est passée par la connaissance de la famille Maracazre. Je suis entrée en contact avec Marie, arrière petite nièce de Victoire, qui m’a dit posséder des dizaines de textes -qu’elle n’a d’ailleurs jamais lus- de sa main. Elle refuse cependant de me les faire lire, et refuse en règle générale que quiconque les lise. La littérature de Victoire est donc comme prise en otage, pour des questions qui touchent à une réputation de famille. Si je suis là aujourd’hui, c’est avant tout pour réveiller les consciences et rallier des gens à ma cause. Je pense qu’il est interdit d’interdire la littérature.
P.McL: J’invite donc nos auditeurs à se rendre sur le site internet d’Anna Russaouen, www.victoiremaracazre.com pour apprendre à connaître ce personnage surprenant qu’a été Victoire Maracazre, et signer la pétition pour le rétablissement de ses textes dans le domaine public. D’ailleurs, j’ai cru comprendre que vous comptiez porter l’affaire en justice. L’audience est-elle fixée ?
AR: Pas encore, c’est pourquoi j’essaie de médiatiser Victoire le plus possible.
P.McL: Eh bien je parle au nom de nos auditeurs quand je vous dis que je vous souhaite la plus grande des réussites, et que nous espérons tous voir dans un futur proche une publication d’un recueil de cette poétesse qui s’imaginait finir oubliée et recouverte « par les ronces », d’après ses mots. Anna, merci d’avoir été avec nous aujourd’hui.
AR: Merci Paul, ça a été un plaisir d’avoir pu partager cette histoire avec vous et vos auditeurs.
P.McL: Chers auditeurs, nous nous retrouvons la semaine prochaine pour un nouveau numéro de « Bulle de littérature : l’actualité littéraire et critique » sur Culture France, où nous recevrons l’auteur de la bande dessinée « Souvenirs d’Iran », Ahmed Benhammana. Mais avant de nous quitter, retenez et faites vivre ce nom : celui de Victoire Maracazre.
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